Divorce AES-CPI: entre rupture et affirmation souverainiste

Après le retrait de la CEDEAO, les Etats des États membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) notamment le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont décidé de se retirer de la CPI.

Cette décision qui met en lumière une nouvelle trajectoire politique post-transition de ces Etats s’inscrit dans une dynamique plus large de désengagement des institutions internationales perçues comme vecteurs d’ingérence ou de domination.

Cette nouvelle orientation judiciaire marque une volonté affirmée de construire un ordre juridique régional autonome, en cohérence avec leur projet de confédération sahélienne.

Le général Mohamed Toumba parle d’une CPI « transformée en outil de répression contre les pays africains », une accusation qui reflète un ressentiment ancien, partagé par plusieurs États du continent depuis les poursuites contre des dirigeants africains.

La CPI en question : entre critiques de partialité et crise de légitimité

Depuis sa création, la CPI a été accusée de cibler disproportionnellement les pays africains. Bien que plusieurs enquêtes aient été ouvertes ailleurs dans le monde, la majorité des procès ont concerné des responsables africains, alimentant une perception de justice sélective.

Le cas emblématique de Laurent Gbagbo, ancien président ivoirien, acquitté après plusieurs années de procédure, a renforcé les critiques sur l’efficacité et l’impartialité de la Cour.

Pour les régimes militaires sahéliens, la CPI incarne désormais une justice internationale instrumentalisée, incapable de répondre aux réalités sécuritaires locales.

Vers une Cour pénale sahélienne des droits de l’homme : ambition régionale ou repli stratégique ?

La création annoncée de la Cour pénale sahélienne des droits de l’homme (CPS-DH) vise à combler le vide juridique laissé par le retrait de la CPI. Elle se veut plus adaptée aux enjeux du Sahel : terrorisme, criminalité transnationale, violations graves des droits humains.

Cette cour régionale pourrait renforcer la coopération judiciaire entre les pays membres de l’AES.

Elle soulève toutefois des interrogations sur son indépendance, sa capacité technique, et la garantie des standards internationaux de justice.

Le projet prévoit également la construction d’une prison de haute sécurité, signe d’une volonté de structurer un appareil pénal complet et souverain.

Conséquences et implications géopolitiques

Sur le plan juridique, le retrait de la CPI ne sera effectif qu’un an après notification officielle. Les enquêtes déjà ouvertes resteront sous la compétence de la Cour.

Sur le plan diplomatique, cette décision pourrait isoler davantage l’AES sur la scène internationale, tout en renforçant sa cohésion interne autour d’un discours anti-impérialiste.

Sur un plan plus symbolique, elle cristallise une rupture avec l’ordre postcolonial et affirme une volonté de redéfinir les normes de gouvernance et de justice en Afrique de l’Ouest.

Le retrait de la CPI par le Mali, le Burkina Faso et le Niger ne se limite pas à une décision technique. Il s’agit d’un acte politique structurant, porteur d’une vision alternative de la justice et de la souveraineté.

Reste à voir si la Cour pénale sahélienne saura incarner une justice crédible, équitable et efficace, capable de répondre aux défis complexes du Sahel sans reproduire les travers qu’elle dénonce. Fin

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