
La rentrée scolaire 2025 s’annonçait sous le signe d’une polémique inattendue. L’annonce de cahiers estampillés des emblèmes de la République, destinés à semer les graines du patriotisme dans le cœur des élèves, avait suscité un flot de commentaires. L’intention est noble : forger l’identité nationale dès le plus jeune âge, rappeler à chacun que le drapeau, l’hymne et les symboles de l’État sont notre patrimoine commun.
Mais le diable, dit-on, se cache dans les détails. Très vite, la rumeur s’est répandue : ces cahiers, plus coûteux que les modèles ordinaires, seraient obligatoires. Les parents, déjà éprouvés par les charges de la rentrée, ont cru comprendre que leurs enfants seraient refoulés aux portes des salles de classe s’ils ne s’équipaient pas de ce matériel ; de quoi alimenter l’angoisse et la colère.
Il a fallu une mise au point claire du ministre en charge de l’éducation préscolaire et primaire pour éteindre l’incendie : non, ces cahiers ne sont pas imposés. Ils sont encouragés, proposés, introduits progressivement dans les habitudes, mais nul élève ne sera privé d’éducation faute de les avoir achetés.
Cette clarification était nécessaire. Car l’ombre de l’histoire plane toujours sur ce type de mesures. Comment ne pas évoquer le précédent dramatique de Jean-Bedel Bokassa en Centrafrique ? Dans les années 1970, l’empereur autoproclamé avait imposé le port d’un uniforme scolaire unique et obligatoire, à la gloire de son régime. Ce diktat, qui grevait lourdement le budget des familles, avait provoqué une révolte étudiante violemment réprimée, marquant durablement la mémoire collective.
Le parallèle n’est pas anodin : la pédagogie du patriotisme ne peut reposer sur la contrainte. Elle doit s’enraciner dans l’adhésion, la conviction et la fierté partagée. Le Togo a évité de justesse le « syndrome Bokassa », celui d’un nationalisme imposé à coups de cahiers ou de tenues, au risque de fracturer le lien de confiance entre l’école et la société.
À l’heure où l’éducation doit rassembler, il est heureux que le gouvernement ait rectifié le tir. Promouvoir le patriotisme par des outils pédagogiques est une belle ambition ; encore faut-il veiller à ce que la méthode n’empoisonne pas le message.
Kokotiko