
La crise sociale qui secoue SUNU Bank Togo depuis la suppression de 42 postes et la fermeture de sept agences révèle une fracture profonde entre la direction de l’institution et les syndicats du secteur bancaire et assurantiel, SYNBANK et SYNASSUR. Derrière les chiffres et les communiqués, deux lectures radicalement opposées s’affrontent, mettant en lumière les tensions autour de la gouvernance, de la transparence et du dialogue social.
Une restructuration difficile mais nécessaire
Dans son communiqué signé ce 10 septembre, le Conseil d’administration de SUNU Bank Togo justifie les licenciements par un plan stratégique adopté en 2024, visant à rationaliser les effectifs et à fermer des agences jugées non rentables.
Selon la direction, cette décision a été précédée de concertations internes et s’est déroulée dans le respect des dispositions légales. Initialement, 70 employés étaient concernés, mais les négociations avec l’État auraient permis de ramener ce chiffre à 42.
La banque affirme avoir versé à chaque collaborateur licencié la totalité de ses droits légaux, assortis de mesures d’accompagnement allant jusqu’à 66 mois de salaire net, selon l’ancienneté et le poste occupé. Elle insiste sur le caractère économique de la mesure, présentée comme indispensable à la pérennité de l’institution.
Une stratégie opaque et injustifiée
Les syndicats SYNBANK et SYNASSUR rejettent catégoriquement cette justification. Pour eux, il est incohérent de créer des postes validés par le Conseil d’administration, puis de les supprimer quelques mois plus tard sous prétexte de restructuration.
Ils pointent la responsabilité directe des dirigeants dans les difficultés de la banque, évoquant une gestion interne défaillante.
Autre point de discorde, l’intervention supposée de l’État. Les syndicats mettent au défi la direction de nommer l’autorité publique qui aurait limité les licenciements, estimant que cette affirmation manque de fondement.
Ils rappellent que le Togo est signataire des conventions de l’OIT sur la liberté syndicale et la négociation collective, et dénoncent une instrumentalisation du contexte économique pour légitimer des suppressions d’emplois.
Sur le volet indemnitaire, les syndicats contestent la communication de la banque, qu’ils jugent incomplète. Ils dénoncent l’omission de la prime de fidélité et l’absence de transparence sur les soldes de tout compte.
Enfin, ils regrettent de n’avoir jamais obtenu d’audience avec le Conseil d’administration, malgré leurs multiples sollicitations.
Une médiation sous tension, deux logiques irréconciliables ?
Face à l’impasse, les ministres de l’Économie et du Travail ont engagé une médiation pour favoriser le dialogue social. Mais les discussions n’ont pas permis de déboucher sur un accord. Les syndicats exigent désormais la réintégration des 42 salariés ou, à défaut, des mesures de compensation plus équitables.
La direction de SUNU Bank défend une logique de restructuration économique, fondée sur la rationalisation des coûts et la viabilité à long terme.
Les syndicats, eux, dénoncent une stratégie sociale déguisée, où les suppressions d’emplois seraient le fruit d’une gestion interne contestable et d’un manque de transparence.
Au cœur du conflit, une question de gouvernance : peut-on restructurer sans dialogue réel avec les représentants du personnel ? Et surtout, comment concilier impératifs économiques et justice sociale dans un secteur aussi sensible que celui des banques et assurances ?
La crise à SUNU Bank Togo dépasse le cadre d’un simple plan social. Elle interroge les pratiques managériales, la place du dialogue social, et la responsabilité des institutions dans la préservation de la confiance des employés, mais aussi celle des clients.
Le dénouement de cette affaire pourrait bien redéfinir les standards de gouvernance dans le secteur financier togolais. Fin